BLOG D'ANAÏS par Gérard CABANE

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55 - DES VOEUX BROUILLES

" Est-ce ainsi que les hommes vivent

  Et leurs baisers au loin les suivent "....

 

Vous avez reconnu Aragon bien sûr et je ne peux m'empêcher de penser à ce poème si merveilleusement chanté par Ferré quand, dans des festivités prévues, formatées et souvent chiantes, mais si osons le mot n'est-ce pas, la plupart d'entre nous fêtent la fuite du temps. 

Alors ils dansent, boivent, mangent plus que de raison, et souvent avalent tous la même chose tant est rituel ce passage de la ligne, pour finir, épuisés et les sourires convenus, par se biser sans se connaître, réservant les critiques aux lendemains usés sur des convives qui, ne se côtoyant qu'en fonction des circonstances, ne se connaissent que par les prénoms.

Evidemment je suis un vieux con.

Evidemment je suis misanthrope.

Evidemment....

Que voulez-vous je me sens tellement hors du temps par ces temps qui courent !

Je n'ai jamais trop compris que l'on festoie aux heures qui passent, comptant et recomptant les douze coups de minuit, singeant le bonheur comme d'autres, avant, dans des comédies méchamment ironiques, jouaient aux malades imaginaires. Car enfin ces secondes qui s'égrènent nous ne les vivrons plus, ce temps qui fout le camp nous ne le retrouverons plus et rien n'est plus absurde que de se réjouir d'avancer à grands pas vers l'inéluctable.

A moins de se croire éternel, ce qui au fond, est le propre des gens de maintenant qui vivent répétitivement, coincés qu'ils sont par le paraître et donc les apparences.

Alors on joue au bonheur d'être ensemble, on se creuse la tête pour savoir où, comment et avec qui il sera plus agréable - ou moins rébarbatif - de passer la "dernière soirée", on s'habille si possible "olé, olé" , les femmes maquillées et les hommes aux dents enfin brossées !

Oui, je sais, je vais trop loin et ne suis pas de meilleure foi mais quand même "que c'est triste Venise au temps des amours mortes"...

Notre monde - ma Venise à moi - me fait penser à ces volcans que l'on dit éteints et qui se prennent des envies de vomis, un jour, poussé par le magma de ses incohérences. A l'indifférence journalière et récurrente des uns et des autres succèdent pour une nuit des étreintes et embrassades sur les Champs Elysées et les places de nos villes, une coupe de champagne à la main quand l'autre se balade vers des fesses de rencontres.

Décidément je n'aime plus les gens qui m'entourent et je vieillis à la Léautaud ou à la Céline cherchant dans mes mots et mes songes des raisons de ne plus me désillusionner.

Futilités, vanités, égoïsmes et abêtissements...

Alors je me colle Mozart en sourdine ou plutôt ce soir vais-je écouter le concerto pour violoncelle (opus 85 pour les puristes)  d'Elgar  que j'aime tant avec  notamment le premier mouvement, tout en me réfugiant avec mes personnages dans ce monde qui est le mien, solaire, lumineux, amoureux.

Un monde où les pierres, les arbres et les femmes élégantes me parlent, un monde où vivre est un plaisir et pas une contrainte, presque une obligation, et ou le mot aimer ne se murmure qu'en frissonnant.

 



01/01/2016
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