102 - LEONARD COHEN
J'ai attendu.
Attendu que tout se tasse, que tout se calme, que les honneurs, les louanges enfin quoi que le public vienne à contrition et chante les souvenirs d'un type que j'écoute depuis toujours.
Je ne suis pas un "fan", je ne suis pas idolâtre, je ne suis pas une "groupie" juste un homme du monde qui a rencontré un bonhomme qui parle de son monde.
Avec sa voix.
Sa dégaine.
Son élégance.
Et sa nonchalance.
Il y a eu un prix Nobel donné à Dylan et je me tais là-dessus, mais le poète, l'homme qui chante la femme, le type qui prend aux tripes, celui qui vous emporte c'est Cohen, le mec d'une femme, Marianne, même si d'autres femmes ont si bien peuplé sa vie.
Marianne est morte et Léonard Cohen l'a suivie.
Ecoutez son ultime chanson enregistrée quelques heures avant qu'il la rejoigne, "You want it darker" et sombrez dans ce que peu de gens vivront, je veux parler de cette fusion, ce conglomérat de chairs et d'âmes qui fait que partout, sur toutes les scènes de la terre il l'a chantée, engueulée, adorée et fait d'elle ce que toute femme aimée devrait être, à savoir l'étoile qui jamais ne s'éteint.
Léonard Cohen est mort, crevé de cigarettes et de vies, Léonard Cohen et cette façon qu'il avait de vous proposer de vous tirer une balle dans la tête quand, l'écoutant, vous ne pouviez que ressentir ce temps qui fuit avec vos doigts tendus, essayant en vain de le retenir.
Futilité de la vie.
Immense beauté de la vie, où seul l'amour est le phare qui évite de se casser la gueule sur les récifs des jours qui passent.
Je ne vais pas raconter mon mal vivre de voir, avec sa disparition, une partie de ma vie foutre le camp car, d'homme jeune que j'étais jusqu'à la pelure de papier que je deviens, il était là, pantalon noir, chemise blanche ou noire, cravate noire, un chapeau sur la fin et ses poèmes chantés d' Hallelujah à Death of a Ladies'Man en passant par Suzanna. Livres, poésies, chansons c'était un homme du siècle que j'ai découvert à l'Olympia quatre ou cinq ans après qu'il ait participé aux festivals folks de sa jeunesse.
Il y a déjà mille ans...
Alors je vais vous dire comment entendre, pas écouter n'est-ce pas mais entendre les mots de Léonard Cohen.
Un jour d'hiver
Un jour de pluie.
Une lumière pâle.
Du froid dehors, de la solitude autour, une immense impression d'inutilité, de désespérance aussi.
Un retour sur soi, une sorte de prière que l'on s'adresserait et cette sensation que le fond nous attire, qu'il nous attend, qu'il nous veut.
Et puis sa mélodie, sa voix, son murmure, ce lent et long et fort chuchotement avec des accords en sourdine, une sorte de musique naturelle, évidente qui suit les mots et les souligne.
Là vous tutoyez un écorché, là vous côtoyez l'abîme d'un type éperdu, égaré parmi les hommes et qui n'attend qu'une chose au fond, une seule, c'est que celle qu'il aime tant prenne sa tête sur son épaule et lui dise qu'elle est là.
Qu'elle sera toujours là.
Toujours.
Les peurs de Léonard Cohen étaient les miennes.
Et depuis quelques semaines je suis orphelin d'un type tellement élégant que j'envie Marianne d'avoir été aimée ainsi.
Quand le génie se fait homme, voyez-vous, cela me rassure.
Et quand l'homme est discret, élégant et si attaché à exprimer la femme cela me renforce.
Léonard Cohen ou l'art d'aimer, jusqu'à l'impossible.
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