BLOG D'ANAÏS par Gérard CABANE

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122 - LA DERIVE DES CONTINENTS

C'est un couple vieillissant après des années de frôlements, d'approches et, parfois, de fusions.

C'est un couple à deux vitesses, un couple d'avant, du temps où l'on réparait les objets cassés et les fêlures de la vie alors qu'aujourd'hui il suffit de changer de trottoir pour que le soleil revienne.

Faut-il encore vouloir changer de trottoir.

C'est un couple dénaturé, dévalué, un truc à la Simenon où l'on s'espionne, ou l'on se guette un peu comme des voisins qui ne se supportent plus.

Alors chacun s'est constitué son pré carré, sa partie d'habitation, son espace de vie et ils ne se rejoignent qu'aux repas, quand, et cela arrive, l'un ou l'autre refuse de se mettre à la même table.

C'est un couple où chacun a ses occupations, bien distinctes, biens personnelles, lui plutôt bricoleur et elle artiste et bien sûr les défauts s'accentuent et les qualités s'estompent, voire disparaissent quand l'une attend ce que l'autre ne lui donne pas et quand l'autre voit sa femme rajeunir alors qu'il s'enfonce dans son fauteuil pour voir le journal du soir à la télé.

Dans les bourrasques de la vie et quand le bateau prend l'eau chacun a sa chaloupe et souvent l'un se révèle meilleur pilote que l'autre, ou du moins plus imaginatif et plus téméraire devant les déferlantes qui se présentent.

Alors la tête d'abord puis le reste ensuite se laissent prendre d'assaut quand l'assaut n'est pas lui-même espéré.

C'est une histoire banale qui touche tous les couples quel que soit l'âge, c'est aussi une histoire de tous les jours parce que vieillir ensemble est un art et que bien peu de gens sont artistes ou du moins jouent pendant les premières années un rôle qui n'est pas taillé à leur mesure..

Renouveler le quotidien, surprendre son conjoint, savoir entrainer l'autre vers des sentiers nouveaux, être toujours, toujours à l'écoute mais surtout composer avec les jours qui passent en fredonnant l'amour et la tendresse tels qu'Ovide les enseignaient dans ses principes de l'Art d'aimer n'est pas une évidence.

Je dirais même que c'est l'inverse d'un concours d'équitation où la plus grande rigueur est de mise comme est interdite la moindre imagination.

Dans cette affaire, il vaut mieux être artiste que cavalier si l'on veut que la valse dure mille temps car l'un saura mieux varier les passes quand l'autre sera répétitif.

Quand un couple s'unit, ce sont deux pôles qui se rejoignent et chacun, parant l'autre de qualités sublimées, oublie que la dérive des continents est une affaire de temps avec les fractures qui en découlent.

Alors, dans cette affaire, chaque couple fait comme il peut mais combien de rêves défilent dans la tête quand, s'enfonçant dans le quotidien, elle ou lui ne dort plus la nuit quand l'autre ronfle du sommeil du juste.

En fait, il est usuel de dire à ceux qui convolent ou qui s'unissent, cette phrase quelque peu hypocrite "pour le meilleur et pour le pire", comme une traite tirée sur l'avenir. Je peux la comprendre mais quand le pire est la routine quotidienne, quand le pire est la déliquescence des sentiments ramenant un couple au même niveau que des frères et sœurs, quand le pire est la  transparence devant le regard de l'autre, quand le pire devient manies, tics ou tocs, obsessions ou jalousies cela devient l'enfer.

Allons, le tableau est sombre, j'en conviens, et j'ai vu des exceptions formidables.

Bon, d'accord ce sont des exceptions, exceptions qui étaient souvent des remariages !

Cela voudrait-il dire alors que je viens d'énoncer une règle ?



10/06/2017
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