BLOG D'ANAÏS par Gérard CABANE

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129 - EN AVOIR OU PAS (comme disait Hemingway).

C'est un couple qui lentement se détruit, un vieux couple qui, d'une histoire commune en arrive à des histoires parallèles dans un affaissement de promesses et de rêves perdus.

C'est un couple normal, je dirais banal, un de ces couples qui, à le voir vivre sans deviner les cassures, peut susciter l'étonnement, presque l'admiration de ceux qui le croisent.

Comme souvent, la comédie extérieure devient tragédie une fois le rideau retombé sur l'espace privé.

Pourtant, dans les temps de découvertes, ils avaient arpenté ensemble les replis du corps et de la tête, chacun à sa manière, ils avaient pris le temps, s'assurant, croyaient-ils, des prises sécurisées qu'ils laissaient derrière eux, enfants, maison et tout ce fourmillement de choses communes qui font que des liens tenus deviennent des chaînes quand le regard part ailleurs.

Oui mais un homme et une femme ne sont pas forcément fleuve bouillonnant quand ils s'unissent, certains ne sont que rivière voire même ruisseau au débit qui s'épuise avant de se tarir, lui croyant que ses coups de reins maintiendraient l'équilibre avec un intellect pour le moins en retrait quand elle espérait que son mari s'ouvrirait un jour à des choses plus élevées, voire plus recherchées. Et dans le fil des années qui passent, dans l'obligation absolue de construire faute de réfléchir, ils avaient bâti ce qui, un jour, allait devenir pour elle une prison.

Bien sûr le moment crucial fut la fin des activités professionnelles, cet examen final avant l'endormissement définitif, ce temps où, enfin libres et rendus à eux-mêmes, ils auraient pu rebondir pour connaître une deuxième vie.

Oui, rebondir ou réaliser que la route dégagée n'était en fait qu'une impasse.

Alors lui se rétrécit quand elle cherche à s'élever, lui sifflote, bricole, mange, boit, dort sans parcourir un livre, sans visiter une expo, sans ouvrir grand ses yeux devant sa femme devenue transparente. Elle en souffre mais ne dit rien, elle fait comme si, comme avant, la tendresse et les gestes doux en moins. Elle sort, elle bouge, elle rit, elle crée, elle lit, écoute de la musique et regarde peu la petite lucarne quand lui s'en repaît avant d'aller au lit, gavé de cette "politique" qui est la drogue des gens sans lendemains.

Elle, elle se construit un monde, son monde et, sans qu'elle s'en rende vraiment compte, revient aux fondamentaux de sa jeunesse c'est à dire ses rêves et le moyen d'y parvenir, et, alors qu'il s'enferme, se recroqueville et devient une ombre elle, elle vit, revit, tournée vers des découvertes qui la laissent ébahie et la rajeunissent.

Un couple qui vieillit c'est un peu comme le vin, il se madérise ou devient un nectar. La comparaison est osée mais elle a le mérite de poser le problème comme d'ailleurs la solution car en effet, avez-vous vu avec le temps  des piquettes devenir de grands vins ? 

Savoir choisir son "alter ego" c'est savoir choisir son vin, certains vieillissent bien quand d'autres tournent au vinaigre et la vie d'un couple au fond n'est qu'une question de cépage !

De cépage ou de sécateur, coupant sans hésiter la branche qui se meurt pour que la souche revive et produise de nouveaux bourgeons.

Oui mais voilà, les habitudes et les convenances sont souvent trop fortes alors cette femme, tout en sauvant la face aux yeux d'un public attentif et quelque peu jaloux, va rentrer dans une double vie.

Et c'est là où changer de route est une gageure pour certaines et certains.

Le quotidien tue mieux qu'un révolver et s'en rendre compte ne suffit pas.

Il faut juste "en avoir ou pas".

De quoi ?

Devinez ou lisez celui qui, un  jour, un matin du côté de Key West, s'est balancé une volée de chevrotines dans la gueule parce qu'il ne supportait plus ce qu'il devenait.

Ou ce qu'il attendait.

 



24/07/2017
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