BLOG D'ANAÏS par Gérard CABANE

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145 - J'AI TELLEMENT VECU LE TEMPS...

J'ai à chaque fois, à chaque fin d'année au moment des fêtes, une impression de plus en plus intense de fragilité, comme si le balancier d'une horloge en égrenant le temps rapprochait inéluctablement mes aiguilles si sensibles d'une sonnerie finale.

La fin de la récré en somme.

Je vois derrière moi tellement de lumières éteintes que les guirlandes qui clignotent encore me semblent bien fragiles dans ce monde aliéné, des petits phares de vie que j'aime et qui m'aiment et pour qui je tremble toujours connaissant les jeux troubles de la camarde qui ne se prive pas d'étêter les plus beaux épis.

Oui je tremble et fais malgré tout le fier pour que ces âmes-là ne voient que la beauté des choses.

Vieux con de Tartarin à la pétoire encrassée.

Quand j'étale des photos bien souvent en noir et blanc, la pile des morts est si haute qu'elle dégringole toute seule et les sourires qui me faisaient frémir s'effacent  alors dans un bruissement de feuilles sèches. Restent les nervures qui strient ma tête de souvenirs enfuis.

Oh je ne suis pas triste, ni même mélancolique, mais ma mémoire qui est ma vraie richesse ne rate jamais une occasion de me dire "vis".

Je vais vous dire une bêtise mais au fond voyez-vous, le bonheur c'est de ne pas être malheureux. Et "vivre" au sens où je l'entends c'est justement cette quête insatiable des moments forts, intenses, heureux et immortels puisque nous les embarquerons avec nous quoiqu'il arrive...

J'ai passé ma vie sur les rives du bonheur et j'ai vu de bien jolies chaloupes s'amarrer à mon carénage, j'ai passé ma vie la tête dans les étoiles parce que je sentais bien que si je les abaissais leurs lumières se perdraient dans l'enfer du quotidien.

Une amie qui venait de lire "les pendus de Manosque" et qui m'en disait beaucoup de bien me fit remarquer que j'avais dû avoir plusieurs vies pour écrire ainsi.

Que non pas chère Dame, je n'ai qu'une vie mais je la partage, je la séquence, je la divise, je la sectionne pour en prendre le nectar. Que croyez-vous chère lectrice attentionnée que l'Hydromel des Dieux était de la piquette ?

 

Il est courant de dire que la vie est un cadeau, mais je n'ai jamais fait comme les autres enfants, je ne joue pas avec l'emballage.

 

Jouer !

Au fond c'est la clé qui ouvre la porte.

Jouer le jeu de la vie, et par obligation de la mort aussi, c'est ne pas vouloir aller à contre-courant, ne pas vouloir maitriser quelque chose qui nous dépasse mais au contraire l'étreindre, la suivre, se laisser couler dans elle, dépasser sa vitesse pour, plus loin, se reposer et l'attendre. Quelques fois même la narguer d'un îlot qui jaillit et sur lequel on vient s'étendre pour mieux la comprendre et deviner ses gourmandises mais aussi ses ruades et ses emportements.

Jouer c'est rire avec elle sérieusement, que l'on fasse un poker-menteur ou que l'on joue aux dames, c'est accepter de suivre des chemins improbables, de découvrir de l'étrange, du merveilleux là où d'autres ne rencontreraient qu'ennui, c'est être un partenaire à la hauteur, non pas pourvu de toutes les qualités, mais résistant à ses incompréhensions.

Parce que la vie est féminine et qu'on ne saisit pas tout de ses impulsions.

 

Oui mais voilà la vie est aussi cruelle parce qu'elle vous laisse à quai quand d'autres sont partis. Le jeu devient alors une roulette russe quand je vois sur la table, dans la lumière jaune d'une nuit d'insomnie, des photos désunies, dégâts irréparables des absences qui me torturent.

Des regards perdus, des mains d'au revoir, des silhouettes qui s'éloignent....

Alors je me redresse, de battre mon cœur me pousse en avant, ma mémoire est devenue sélective et mes yeux ne voient plus que d'autres dessins accrochés aux murs, dessins de petites filles couverts de mots d'amour.

J'ai toujours balancé entre passé et présent, jamais dans le futur dont je ne suis pas maître. Mais toujours, toujours dans ces périodes de fêtes, je me demande combien de temps je tiendrai encore pour voir grandir les surgeons de mon arbre et éclater ces boutons dans les étés qui viennent.

Ah belle vie comme je t'aime tu sais !

Combien nous rêvons tous deux, toi dans ta formidable marche linéaire et moi, incertain, fouillant jusqu'au bout tes chemins détournés !

Et dans ma tête alors arrivent des odeurs, des images, des musiques, enfin quoi des idées de lumière qui me protègent un peu de la nuit à venir...

 



17/12/2017
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