BLOG D'ANAÏS par Gérard CABANE

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149 - LE TOULOUSAIN DE TOULOUSE

Peut-on être amoureux d'une ville comme on l'est d'une femme ?

Peut-on avoir ce manque d'elle quand, loin d'elle, et dans les bras d'autres rues de cités réputées, il nous manque la couleur, la Garonne et ce brin d'accent coquin qui me fait craquer quand, payant mon café aux Américains ou chez Albert place du Capitole, je vois une moue féminine me dire "avec plaisir" tout en encaissant la monnaie?

J'ai pas mal bourlingué, pas mal voyagé, vécu du nord au sud, vu des constellations de villes aux parures étranges, côtoyé des lieux originaux et d'autres plus benêts, aimé Lille mais aussi Lyon et Londres et Berlin et tant d'autres encore jusqu'aux plus étranges comme aux plus lointaines.

Je suis un type du sud, un mec pétri, nourri par sa Provence, biberonné par Avignon, décoiffé par le mistral mais, quand je suis arrivé à Toulouse le premier janvier 1980 je suis resté groggy.

Et je le suis encore.

 

J'ai pris la rue du Taur et je me suis laissé aller...

La ville est un village, non, pardon plusieurs villages accolés les uns aux autres comme si, au-delà des guerres de religion et des cultures différentes tout cela s'agglomérait dans un grand maelström de briques roses et ocres, de femmes brunes devenues blondes coiffées bien souvent au carré, de violettes républicaines et de rugby du terroir, de saucisses en aller/retour et d'art Roman en prière.

Botticelli revisité par Picasso quoi, l'ancien grandiose et le moderne sulfureux mais aussi à sa place, intégré, assimilé, aimé.

Toulouse pue la vie et j'aime cette odeur.

Toulouse sait se dénuder et j'aime la voir nue, le matin très tôt au saut de saut de son lit, les yeux écarquillés devant ma tasse de café quand les voiles de la Garonne se dissipent et qu'elle apparaît dans l'éclat d'une femme sûre d'elle et du désir qu'elle provoque.

Toulouse se rebelle, se dompte, s'offre, se retient, elle peut être cabotine, catin mais aussi Princesse quand le soleil du midi s'attarde un peu sur elle certains soirs d'été et que les martinets rieurs s'envolent jusqu'au ciel à frôler les Airbus qui atterrissent à Blagnac dans des essoufflements d'amour.

Mais la force de cette ville c'est son environnement, des Pyrénées qui scintillent comme un diadème sur sa tête au Canal du Midi paressant dans la plaine, des collines du Gers jusqu'aux moutonnements incessants de ce Lauragais de cocagne qui me donnent le vertige.

Ce sont ses habitants, ces toulousains de Toulouse, ces chauvins du pays occitan, ces radis rouges et blancs comme la politique d'ici, ces mordus du bel canto ou de l'opéra, enfin quoi de la musique, habitués qu'ils sont à entendre dans les stades, dans les rues ou bien aux marchés les Toulouuuuuuuuse, amoureux de Nougaro le barde.

Tu me donnes des frissons quand je me balade dans toi ma ville, tu me chuchotes à l'oreille dans des senteurs d'ail et de lingots d'or l'histoire des Capitouls, de Raimond et de quelques autres et je sais alors, oui je sais que tu m'as ensorcelé.

Et puis ta ville est jeune, une des plus jeunes de France, agitée de charivaris étudiants, bruissant de rencontres improbables, de sourires éphémères dans l'ombre de grands murs qui ont bien plus que mille ans d'âge.

Tout ici est contradictoire et donc tout ici est possible jusqu'à l'impossible.

Vous ne me croyez-pas ? Mais si je vois bien que vous ne me croyez pas...

Alors écoutez, prenez un petit café, n'importe lequel, un petit bistrot derrière les halles  Victor Hugo ou bien sur les boulevards bordés de platanes fiers, mieux même, calez-vous à Saint-Pierre et posez vos fesses à la terrasse d'un troquet. Ouvrez vos oreilles, vos yeux, votre cœur enfin quoi laissez-vous prendre et vous comprendrez.

S'il y a bien une chose que le toulousain sait faire mieux qu'un autre, c'est refaire le monde.

Et c'est ça que j'aime chez lui, ce don de rêver, cette formidable puissance de croire que tout va changer alors que, bardé d'habitudes, je le retrouverai au même endroit, à la même heure, le lendemain matin...

Le toulousain ? C'est l'immobilité en avançant.

C'est sa force au fond, car la ville elle-même semble rester la même depuis des millions d'années alors que dans le ciel, là, juste au-dessus d'elle, des satellites fabriqués aux alentours, tournent et tournent encore comme s'ils avaient gagné le pompon du manège de la place Wilson.

Voyez-vous, ici vraiment, tout est sans dessus-dessous.

Comme la vie, les amours, les femmes et les hommes, la graisse d'oie et les régimes, l'élégance dans le rugby, les sens uniques et les travaux et même, même, la pluie quand il fait beau.  



18/01/2018
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