BLOG D'ANAÏS par Gérard CABANE

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150 - L'AMOUR NE FINIT JAMAIS...

Elle regarde par la fenêtre.

Comme une mouche elle y revient sans cesse, cognant sa tête et ses rêves à la vitre délavée par une pluie fine, grise, à l'image de l' uniforme qui revêt sa vie depuis plusieurs années.

Et, dans ce suaire qui la recouvre, lentement elle se sent mourir.

 

Pourtant elle l'avait aimé, oh oui elle l'avait aimé, mon Dieu qu'est-ce qu'elle avait aimé cet homme et même, même, elle l'aimait encore malgré ses silences et ses façons égoïstes de ne pas voir cet enfoncement dans lequel elle s'abîmait.

Mais voilà, elle ne supportait plus cette vie, ces attentes de rien, cette routine assassine et cette maison cloitrée dans un village sans culture, sans attraits et ces fenêtres voisines qui ne donnaient sur rien, si ce n'est chez elle, directement chez elle, dans cette intimité qui devenait une tombe et qu'elle protégeait par de grands rideaux qu'elle avait confectionnés.

Elle avait tout tenté pour résister, les pièces étaient devenues bonbonnières, la musique, les livres, les fleurs foisonnaient, la cuisine l'occupait mais dans le petit salon le chat ronronnait à côté des grilles de mots croisés qu'il avait laissées quand elle-même charriait dans sa tête les vers qu'il lui avait écrits. Elle s'accrochait à eux, se cramponnait à son histoire, il avait été si merveilleux, tendre amant, bel amant, homme de courage et de créativité, son "grand", son mec, celui qui l'avait prise, un jour, il y a si longtemps, alors qu'elle cherchait et cherchait encore la juste corrélation entre un "autre" et la quantité d'amour qu'elle avait à donner.

Mais ce qui lui tordait le ventre, ce qui la faisait se réfugier dans la chambre, ou partir ailleurs pour ne pas qu'il la voit pleurer, c'est quand il la regardait de ses grands yeux étonnés et qu'il lui disait " pars quelques jours si tu veux, cela te fera du bien, pourquoi tu n'irais pas visiter..." alors qu'elle crevait qu'il ne lui propose pas de partir avec elle.

Car ils s'aimaient toujours.

Mais elle c'est une femme et lui est un homme et la femme ne cesse jamais, jamais de rechercher un chevalier, un élégant, un dompteur de jours tristes, un conteur aux mains fortes mais surtout un imaginatif aux rêves infinis. Et l'homme lentement s'enferme dans l'habitude, l'adoucissement des élans amoureux et les rites immuables de la table, du canapé et du journal.

 

La pluie rince les ruelles, dégringole des tuiles et, derrière sa fenêtre, elle regarde sans voir l'écran gris des nuages qui s'immobilisent au-dessus d'elle.

 

C'est une battante qui est à terre et, parce qu'elle se sent dans la fosse, parce que les lions de l'âge mais aussi du temps meurtrier attendent, tapis et vicieux, qu'elle s'abandonne et retourne elle-même le pouce, elle se secoue une nouvelle fois pour que son couple ne meure pas dans l'impasse que la fatigue, l'usure et la vie ont décidé pour elle.

Elle a tellement de richesses à partager, tellement de rêves en attente mais surtout tellement, tellement de souvenirs fondateurs et créateurs qu'elle n'accepte pas cette si lente descente vers l'inéluctable.

Et comme un jour cet homme est venu et l'a sauvée d'elle-même, à son tour elle va le maintenir en vie, du moins dans la vie qu'il n'aurait jamais dû quitter. Elle le sait intelligent, elle le sait courageux, elle le sait à l'affut d'elle.

Alors elle se met à une table, ouvre son ordinateur. Elle ne va pas lui écrire des mots ou une lettre, non ça c'est déjà fait et ne l'atteint pas. Elle va juste lui écrire un livre, celui de leur vie, celui de leur amour, celui de leur passion.

Elle va tout lui écrire, même ce qu'elle n'a pas dit, surtout ce qu'elle n'a pas dit.

Elle lui dira aussi une chose tout au long de ce long monologue, c'est qu'elle l'a porté si haut qu'il ne peut tomber, non, lui ne peut pas tomber.

Pas  comme les autres.



24/01/2018
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