BLOG D'ANAÏS par Gérard CABANE

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163 - LE CUEILLEUR DE RÊVES

Je me souviens de cette femme qui, sortant d'un immeuble cossu les yeux brouillés de larmes, marchait dans la rue sous un ardent soleil d'été.

Je la suivais et ce corps chaloupé ne savait rien des transparences hasardeuses.

Elle s'assit à la terrasse d'un café, commanda un thé, croisa ses jambes nues et, pendant de longues, très longues minutes se perdit dans ses pensées, isolée du monde et des vivants qui l'entouraient.

Et là j'ai cueilli son rêve.

Il sentait l'amour et la solitude, il avait les couleurs fragiles de ce qui n'est plus mais l'est encore un peu. Je la devinais désorientée, cherchant dans les moments passés les raisons de sa rupture. Et puis sa tête s'envola vers ce qu'elle aurait tant aimé vivre et qu'elle ne vivra jamais.

Au même moment un couple passait devant moi et aussitôt, par la pensée, je les ai suivis aussi, ramassant d'une main délicate ces gerbes qui les éclaboussaient. Ils riaient, se touchaient, se tenaient, se maintenaient l'un contre l'autre alors que des passant un peu jaloux se retournaient sur leur danse nuptiale. Ah ! Combien je les sentais tant ils étaient généreux d'amour, combien je les comprenais elle, légère comme un pétale échappé de sa fleur et lui à la tige conquérante qui la prenait des lèvres pour goûter son nectar.

 

J'aime laisser ma tête construire des vies, de celles que je croise dans les hasards de la mienne, j'échafaude pour elles des détours malicieux mais aussi des embarquements aussi vastes que des plages océanes, j'aime errer parmi les champs publics et m'acoquiner un temps avec un être de passage, souvent des femmes bien sûr tant leurs mystères sont grands et leurs pensées profondes. Au fond la femme est un rêve vivant, un vaisseau d'avenir qui ne cesse de faire des retours sur le passé pour mieux construire le présent. J'aime sauter d'une prairie à l'autre, passer du narcisse jeune et vivifiant à l'orchidée puissante, obsédante de beauté et, pour tout dire, inoubliable. Je me pose doucement, je ne suis pas intrusif, juste passerelle pour que l'être choisi, dans sa marelle improvisée puisse monter jusqu'au ciel.

J'ai, comme ça, des souvenirs à foison, des regards éperdus, des larmes volées, des sourires de circonstances et des ruades de pouliches, des embardées monstrueuses comme des cheminements chuchotés, des hésitations cruelles et des volontés rares. La femme est tout cela, mosaïque aux carrés disparates qui, assemblés, devient une œuvre d'art.

 

Et ainsi le soir, quand je replis mon filet à papillons, quand, épuisé de mes randonnées aventureuses je me pose devant l'écran, j'ai tous ces merveilleux embruns de la journée qui me font comme une pluie de mots.

Alors comme un savant qui décrypte des hiéroglyphes, comme un découvreur de terres perdues, Atlantides englouties aux chants entêtants, je nettoie chaque souvenir de sa pulpe trop présente et cherche le cœur battant, le cœur désemparé que je répare comme un orfèvre, étonné de trouver encore et encore des pierres aux eaux aussi pures et transparentes.

Défilent alors mes phrases, mes images sur la page, celles que vous lisez actuellement.

Je ne cesserai jamais d'aligner les impressions d'un homme qui se demandera toujours, jusqu'au bout de son existence et même au-delà si les anges existent, comment, mais comment faites-vous Mesdames pour avoir tant impressionné le carbone de ma vie ?

Oui être un cueilleur de rêves c'est partager les douces pentes des vôtres et être ainsi moins abrupt et, pour tout dire, un peu moins idiot devant l'éphémère des êtres que vous savez si bien grandir.



28/05/2018
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