BLOG D'ANAÏS par Gérard CABANE

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85 - LA DESESPERANCE...

Petites filles elles jouaient à la marelle et poussaient le palet cherchant à atteindre le ciel, lieu de tous leurs rêves. Elles sautaient, riaient, insouciantes mais aussi curieuses de l'avenir qui s'annonçait. Elles n'avaient pas peur, juste des timidités qui les rendaient songeuses devant ce grand inconnu.

Plus grandes, adolescentes, elles avaient partagé entre elles leurs interrogations, plongeant dans quelques livres à la recherche des réponses aux bouleversements de leurs corps.

Elles avaient reçu les premiers assauts du désir, les premières émotions, les premiers sentiments.

Un peu plus tard encore elles étaient devenues femmes dans les bras d'un garçon, quelques fois d'un homme et ce fut alors la première rupture entre ce qu'elles étaient et ce qu'elles vivaient, chantant l'amour, l'amour éternel, l'amour unique quand elles comprenaient que les mâles côtoyés n'avaient au fond qu'une seule idée, celle de froisser leurs jupes et d'en faire des confettis de souvenirs.

Certaines s'abandonnèrent et entrèrent dans le jeu, d'autres résistèrent, gardant pour celui qu'elles espéraient les élans ondoyants qu'elles avaient au plus profond d'elles.

Enfin, c'est ainsi que cela se passait il y a déjà bien longtemps, dans les années soixante et soixante-dix.

Puis la vie, ce rouleau compresseur qui avance et qui broie les amours et les rêves de celles qui ont cru garder entre leurs jambes l'homme qu'elles avaient aimé et qui avait faibli pour un ailleurs, les laissant à jamais le cœur bousillé.  Elles découvraient que dans les relations entre un homme et une femme bien souvent les premiers parlaient d'amour pour avoir du sexe quand les secondes donnaient du sexe pour avoir de l'amour.

Ensuite c'était un mariage avec un autre aimé car l'amour est multiple quand on est forcé de le découper, c'était des enfants et la vie dont les habitudes broyaient les chimères d'un parcours à deux. Et ce duo souvent se transformait en trio, d'un côté ou de l'autre, parce que la déception, parce que l'usure, parce que le temps, parce que les fleurs, les surprises, les fêtes devenaient de plus en plus rares.

Les femmes divorçaient ou au moins se séparaient par courage, par bravade, par haine de l'enlisement et cette "liberté" retrouvée les laissait ahuries de ce temps qui avait fui. Elles se sentaient décalées, déphasées et leurs valeurs avaient du mal à accepter ce que l'époque aujourd'hui proposait dans sa carte des plaisirs.

Et puis un autre arrivait, plus mûr, plus sûr, plus en adéquation avec leurs envies de vie à deux et elles plongeaient et aimaient à nouveau, donnant ces feux de femmes accomplies comme des fruits gorgés de jus et de douceur. L'espérance revenait, les sourires aussi et subitement tout devenait plus simple.

Oui tout devenait plus simple dans cet âge où la femme laissant le cap de la soixantaine s'embarquait vers des eaux plus froides et plus dangereuses.

 

Jusqu'à une nouvelle rupture, un abandon déterminant car, vieillissantes, elles ne croyaient plus pouvoir rivaliser avec  ces" gamines" de quarante ou cinquante ans qui séduisaient celui en qui elles avaient une nouvelle fois espéré.

 

Vous croyez que je ne fais qu'écrire une histoire parmi d'autres n'est-ce pas ? Vous pensez que je durcis le trait, que je "romance" ou, pire, que je me trompe ?

Allons, ouvrez les yeux et regardez ces femmes qui matin et soir, seules et belles, soignées et élégantes, baladent un chien au bout d'une laisse et vous sourient en abaissant un peu les épaules.

La solitude des femmes déçues, abandonnées, trahies est la conséquence de l'infantilisme des hommes mais aussi de leur égoïsme. Oh je sais ! Je sais les mégères, les Folcoche et autres viragos, je sais les enfermements de certains couples mais toutes ces femmes-là ne sont pas forcément dans ce cas.

La désespérance pour elles c'est d'avoir tant d'amour à donner et de ne pas trouver celui qui peut recevoir cette offrande.

La désespérance c'est de se voir vieillir et de se sentir jeune, tellement jeune.

La désespérance c'est de savoir que le "ciel" de la marelle n'est qu'un jeu et qu'à ce jeu le rêve est devenu illusion.

 



23/08/2016
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