BLOG D'ANAÏS par Gérard CABANE

J'ai décroché de mon époque.

Je ne veux pas suivre le chemin de ce monde. Ou du moins il continuera sans moi.

Trop, beaucoup trop de chapelles, de castes, d'égoïsme, de fric et de m'as-tu-vu. Trop d'égocentrisme, de bassesses, petitesses et un manque cruel d'honneur et d'élégance.

Oui, je me suis replié sur mes bases arrières même si j'ai tenté, ici ou là sur les réseaux sociaux de donner le change, de faire "comme si" et de "jouer le jeu".

Tout s'est rapetissé, tout est devenu étriqué sur une planète qui se dit "mondialiste" et ouverte.

Chacun parle de soi, glose sur soi comme s'il était urgent d'être et d'apparaître, d'essayer de se montrer, frétillant des quelques regards qui vont se porter sur une intimité glauque.

C'est probablement l'âge qui me fait réagir ainsi, mais je n'en suis pas certain, tout s'accélérant, et je souris à ce qui va suivre car on va me taxer de "vieux con". Que voulez-vous c'est un peu comme les rillettes de la publicité et le problème des valeurs.

J'emploie des mots désuets, honneur, élégance, valeurs, des mots que peu de gens aujourd'hui mettent en exergue. Quant à ceux qui gouvernent il y a bien longtemps qu'ils les ont foulés aux pieds.

Ne vous trompez pas, je ne suis pas aigri, je suis même très heureux mais je me trompais de chemin, juste de chemin.

Qui plus est j'ai l'incomparable chance d'avoir les moyens et la volonté de pouvoir choisir.

Pendant ces quelques semaines où j'ai été absent je n'ai cessé de caresser mes livres de la main et du regard. Si, si je les caresse vraiment de la main, en passant, comme de vieux potes qui se poileraient en douce de m'avoir voir vu m'égosiller dans le vide. J'ai écouté une foultitude d'œuvres musicales enfin quoi j'ai côtoyé des génies. Et quand on s'acoquine à de tels être on n'en revient pas, on reste non seulement avec eux mais de plus on coupe certains ponts pour ne pas être étourdi par la marche d'un monde qui n'est pas le mien.

Bref on s'élève et on ne s'abaisse plus.

J'ai repris l'écriture de certains livres, j'ai terminé bientôt le second tome d'Anaïs, j'ai dans la tête le troisième et dernier. Ceux qui l'ont lu me comprendront.

Je vais reprendre mon ancien éditeur, les autres, les grands, n'ont pas voulu de moi, croulant sous les "romanciers" du moment, c'est à dire les TGV des librairies. Moi je suis un tortillard, un vieux truc à vapeur qui adore les lieux un peu paumés et les lecteurs qui vous reçoivent en vous engueulant de passer si rarement.

Je vais aussi finir la trilogie de Manosque, après les "pendus" et la "folle", arrive la fin de l'histoire provençale, une histoire de femme, encore de femme, le seul soleil qui vaille, croyez-moi.

Et puis enfin, parce que j'ai autre chose à faire, voir des endroits rares par exemple ou revoir des lieux qui sont dans ma chair et que je ne verrai plus après, j'ai dans le projet d'écrire deux derniers livres.

L'un est destiné à deux "petites" filles qui sont…. enfin quoi, c'est un bien joli cadeau, afin qu'elles pigent plus tard ce que c'est que leur histoire.

L'autre, plus prosaïquement mais tout autant sérieux, sera un livre de cuisine, du moins de recettes de cuisine écrit à ma façon. Pas la cuisine des grands chefs, juste celle d'un épicurien qui salive aux odeurs, à l'aspect et au génie des assemblages.

Après ce sera fini.

Enfin je continuerai à fumer en écoutant les oiseaux qui restent, je sourirai bêtement aux amours des tourterelles, je m'étonnerai toujours d'un coucher de soleil ou du jeu d'une branche dans le vent d'Autan et je m'endormirai avec Camus, Balzac ou les Dingodossiers  en sachant que le matin, qu'il fasse froid ou qu'il fasse chaud, j'aurai cette odeur du café qui viendra me réveiller.

Jusqu'au bout.