BLOG D'ANAÏS par Gérard CABANE

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5 - UN JOUR JE NE COMPTERAI PLUS EN JOUR

Un jour de ces jours qui arrivent je ne verrai plus le jour.

Mon véhicule sera en panne et le garagiste aura lui aussi pris sa retraite. Ainsi, mon âme libérée de cette sacrée ferraille, pourra-t-elle enfin vivre sa vie.

Une âme vivre sa vie ? Mais, direz-vous, il est reparti à nous dire des idioties cet animal !

 

Eh ! Que croyez-vous ?

Imaginez-vous que seule la matière si belle soit-elle ( mais si, mais si...) a le pouvoir d'animation?

Allons ce n'est pas parce qu'elle se meut, copule, sue et pue qu'elle a su et pu transformer le plomb en or. Elle n'est banalement - et tristement devrais-je dire - que la tige de la pensée. Bon d'accord souvent la tige attige, surtout dans sa jeunesse d'ailleurs, car ensuite elle afflige même et surtout ses meilleures supportrices, mais le fondement, le metteur en scène de l'existence terrestre, c'est bel et bien l'âme voyons !

Et ce petit bout d'esprit - mon petit bout d'esprit  a moi, je - va pouvoir enfin, libéré de ces os qui iront cliqueter tout seuls dans quelque cimetière perdu face aux Pyrénées ou sur les pentes du Ventoux, s'amuser à jouer à cache cache avec les morts au Parnasse de mes génies.

 

Avec les morts certes, mais aussi les vivants.

 

J'irai régulièrement - que dis-je, tout le temps - visiter deux petites filles pour qu'elles n'aient pas peur dans la vie et qu'elles apprennent  avant tout à survivre à leurs jeunesses sans jamais oublier leurs rêves d'enfants, je côtoierai ceux que j'aime à commencer par mes enfants pour qu'ils soient plus forts, pour qu'ils n'aient pas d'hésitations et pour qu'ils sentent sans comprendre mais avec certitude que je suis là, que je serai toujours là.

J'irai aussi m'assurer de deux ou trois petits trucs tout à  fait personnels, une sorte de cachotterie un poil féminine puisque ce côté là, même mort, ne me quittera jamais.

Et puis pour mes vacances j'irai incognito me balader sur les épaules des femmes.

J'écouterai leurs conversations, j'épierai leurs regards, je devinerai leurs désirs, je saurai - enfin je saurai ! - leurs secrets et j'accéderai pour toujours à leurs intimes pensées. Je serai éternellement leur Cupidon charmeur et elles aimeront alors se retrouver seules pour écouter sans savoir les mots que je n'avais jamais osé dire.

Enfin je retrouverai mes génies, mes soleils, mes espoirs à commencer par Mozart avec qui sans nul doute nous irons "boire" un verre au  grand café Demel à Vienne. Il y aura aussi mon vieux Camus, mes potes Balzac et Mistral mais aussi Malraux, Rodin, Garcia Lorca, Giono, Beethoven et tant et tant d'autres sans oublier Sénèque, Platon ou le clair-obscur Canaletto.

 

En fait je n'aurai pas le temps de tout faire, de tout voir et de philosopher  car c'est rageant n'est ce pas que dans cette éternité promise on soit tiraillé entre recevoir les derniers venus et aller à la rencontre des anciens. Je vous dis pas le boulot, c'est pire que sous la coupole !

Et si j'ajoute à cela un retour nécessaire sur moi-même, une obligation de pénitence pour tous les péchés que je n'ai pas encore commis et qui sont en attente, une sorte d'isolement dans cet envahissement du cosmos ou, à côté, Paris aux heures de pointe c'est comme le plateau du Larzac un 31 décembre, vous comprendrez que lorsque arrivera ce jour qui ne sera plus suivi de jours, je serai enfin libre, de cette liberté totale, furieuse et heureuse, de cette liberté inimaginable au commun des mortels puisque, justement, je deviendrai doucement immortel.

 



18/06/2014
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